Le processus de création qui plonge souvent ses racines dans les rêves d’enfant, est le résultat d’un chemin de vie composé de rencontres, d’expériences, de fulgurances. Ouvrant mes oreilles et mon cœur, faisant voler ma plume, j’ai décidé de vous offrir régulièrement le portrait sensible d’un·e créateur·rice d’entreprise qui m’inspire. Peut-être que vous en connaissez de ces personnes qui nous bluffent par leur culot et leur audace en prenant des risques pour aller jusqu’au bout de leurs rêves ? J’espère tout simplement que ces portraits vous donneront des idées…
Regain (le 13/09/2021)
Nos chemins se sont croisés au hasard d’un mystérieux atelier d’ikigaï[1]. Longue chevelure brune libérée, vêtements amples et colorés, style décontracté avec une touche d’élégance discrète qui fait son charme. Elle rayonne.
Son regard interrogateur cherche à sonder les âmes, son attitude distante impose le respect et attise ma curiosité…Par quel parcours est-elle passée pour devenir coach en ikigaï, métier qui ne court pas les rues ! Quel est le point de départ ? Ensemble, partons à la rencontre de Cécile…
Elle a depuis toujours, une attirance pour la créativité et a reçu en héritage la « culture du beau », une de ses tantes était antiquaire et son père l’initie aux beaux objets qu’il déniche dans les brocantes. Ses parents lui ont transmis aussi le goût de créer que ce soit en couture, avec sa mère, elle coud des rideaux, des coussins pour mettre de l’harmonie dans son environnement ou en cuisine avec son père et ses tantes qui cuisinent tous très bien. Un projet de restaurant leur trotte même dans la tête et puis finalement, c’est un EHPAD[2] que ses parents décident d’ouvrir et c’est aux résidents de l’établissement que son père offrira ses talents de cuisinier. La dimension de partage et de convivialité de la cuisine la touche tout particulièrement et elle en fait profiter ses convives aujourd’hui. Cécile sera également sensibilisée à l’Art par une amie dont le père est un grand collectionneur d’Art. L’attirance pour le « beau » et l’envie de créer, viennent de loin mais ils resteront longtemps en jachère avant de revenir à la surface. Bien des années plus tard, elle et son mari, font la rencontre marquante d’un peintre, VanLuc qui va leur ouvrir les portes de l’Art contemporain et ensemble ils créeront l’association « Grand Ecart » et le festival de la pluie pour valoriser l’Art et les artistes.
Adolescente, Cécile est tentée par l’architecture mais cela nécessite de décrocher un BAC F12 et de rentrer à l’internat à Caen. Elle se décourage et abandonne le projet manquant de soutien pour aller jusqu’au bout. Finalement elle se prend d’intérêt pour l’économie et le BAC en poche, cherchant sa voie, elle décide d’entrer à la FAC pour faire une licence d’Administration Economique et Sociale (AES). Mais ça ne lui convient pas et elle cherche à se réorienter assez vite.
Tout le long de son parcours, Cécile a été influencée dans ses choix par une sorte de programmation sociale qui met la réussite sociale au centre de tout. Elle entend parler des écoles de commerce et s’inscrit à l’Ecole de Gestion et de Commerce de St Lô où elle se passionne pour la partie marketing qui lui permet d’exprimer sa créativité. Mais la partie commerciale, convient mal à son tempérament introverti. Cécile commence sa carrière comme responsable commerciale chez une architecte d’intérieur et un architecte, où elle est chargée de développer le portefeuille clients. Dans son travail, une partie va concerner la décoration intérieure à laquelle elle va être formée à l’interne. Elle retrouve le plaisir de jouer avec les couleurs et des matières. Après 5 ans dans ce cabinet d’architecte, elle rentre par le biais d’une amie, dans un grand groupe d’intérim qui lui offre plus de perspective d’évolution de carrière. De responsable d’agence, elle sera promue, responsable du secteur Normandie et Nord-Picardie, de la filiale santé du groupe. Dans son rôle de manager, elle apprécie surtout la relation humaine avec les équipes et les clients. Elle est sensibilisée aux métiers de la santé par sa mère, qui est infirmière. Elle restera 18 ans dans cette entreprise mais ressent qu’elle n’y est pas vraiment à sa place et que ce travail ne correspond pas à ce qu’elle est. Un bilan de compétences et des séances de coaching lui confirment qu’elle a une dimension créative forte qui n’est pas exploitée dans son travail et qu’elle en souffre.
En 2018, c’est le point de non-retour, elle fait un burn out qui lui font stopper net son activité et négocier une rupture conventionnelle de son contrat de travail dans la foulée. Une période de récupération et de réflexion sur elle-même s’ouvre, « Qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? ». Un jour, Cécile tombe par hasard sur un article de magazine qui présente l’ikigaï et ça lui fait écho immédiatement. Elle découvre les clés pour comprendre son malaise. Selon cette philosophie japonaise, pour se réaliser chaque individu a besoin de nourrir différentes sphères de sa vie pour trouver sa raison d’être. C’est ainsi qu’elle réalise qu’elle n’en alimentait plus certaines depuis des années d’où une perte d’énergie, de sens et un fonctionnement en mode automatique. Cette prise de conscience sera source de changements importants dans ses choix de vie en accord avec son mari.
A partir de ce moment-là, elle dévore les livres sur l’ikigaï et se spécialise. Le besoin d’avoir un statut social pour exister la poursuit et elle crée, au bout de 6 mois, une SARL « Ikigaï consulting » pour réaliser des missions de formation et du conseil en management auprès des PME/TPE.
Mais le processus de création d’entreprise est allé trop vite et en fin de compte, elle n’était pas encore prête dans sa tête et elle ressent le syndrome de l’imposteur. Pourtant ses anciens clients la suivent et elle obtient assez vite des missions de formations et de coaching mais elle a besoin d’apprendre un nouveau métier et de l’asseoir sur des savoirs solides qui valide ses compétences.
C’est ainsi qu’elle découvre une formation de coach proposée par l’Institut International de Coaching de Genève. Elle va suivre un cursus complet pendant lequel, elle est coachée et coache d’autres personnes.
En mars 2021, elle obtient le titre de Master coach. Avec l’approche ikigaï et ses outils de coach, elle va pouvoir proposer ses services aux entreprises et aux particuliers pour les accompagner dans le changement. L’innovation l’attirait depuis toujours, dans son management, elle avait toujours mis l’humain au centre et cette qualité était reconnue par tous dans son ancien travail. A travers sa nouvelle activité, elle cherche à faire bouger les lignes du management classique axé sur le principe hiérarchique pour aller vers plus d’horizontalité dans les relations dans l’entreprise. Dans cette phase d’évolution, elle a fait partie d’un club d’entrepreneuses et ce réseau d’entraide lui a permis d’échanger et prendre confiance en elle. Le soutien de sa famille a été essentiel, pour avancer sur ce chemin de transformation qui a impacté toutes les dimensions de sa vie et permis de découvrir son ikigaï : partager, transmettre ses connaissances et révéler aux autres leurs talents.
Aujourd’hui, tout ce parcours de remise en question lui a appris à écouter sa voix intérieure pour trouver sa voie et se libérer des discours extérieurs en clarifiant ses besoins et en renonçant à sa zone de confort. En 3 ans, elle aura appris plus qu’en 20 ans. Après cette expérience de transition personnelle et professionnelle, elle vous offre quelques conseils :
- Le processus de création d’une entreprise et d’acquisition d’une nouvelle posture professionnelle prend du temps. Respecter ce temps est essentiel.
- Au démarrage d’une nouvelle activité, commencer avec des clients « cobayes » bienveillants pour qu’ils vous offrent leur retour sur votre travail, de façon positive.
- Se libérer des regards extérieurs et clarifier ses propres besoins pour savoir, ce à quoi on peut renoncer, ce qui est essentiel.
- Se faire accompagner par un coach ou un mentor, si besoin pour travailler sa posture d’entrepreneur.
- Ne pas attendre d’atteindre l’excellence pour se lancer mais le faire parce que c’est votre mission de vie et que vous avez la conviction intérieure que ça va aboutir.
- Les rencontres, c’est très important notamment au travers les réseaux d’entrepreneurs où il y a de l’entraide et où on apprend beaucoup.
- Ne pas hésiter à parler de ce que vous faites avec n’importe qui, la boulangère de son quartier, le facteur, la voisine, pour apprendre à parler de votre nouveau métier et vous positionner comme professionnel. Ça peut éventuellement vous permettre de trouver de nouveaux clients. Rien de tel que le bouche à oreille.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter son site : https://www.ikigai-consulting.fr
Contact : cecile@ikigaï-consulting.fr Tel : 06 83 50 74 26
[1] Philosophie japonaise permettant de réaliser un bilan de sa vie dans tous ses aspects pour retrouver un équilibre de vie global
[2] Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes
L’imaginaire comme vecteur de transformation (15/06/2021)
C’est avec un immense plaisir et une profonde admiration que je vous dessine avec mes mots le portrait riche et foisonnant d’Alice, jeune femme au regard espiègle et ouvert, une longue chevelure aux boucles rebelles encadre son visage mutin.
Son sens profond de l’écoute et sa sensibilité aux autres, lui permettent de percevoir très finement l’univers de l’autre et ses attentes. J’ai eu la chance d’en faire l’expérience pour une collaboration fructueuse et enrichissante.
Peut-être avez-vous été touchés par la douceur et la féminité du graphisme du site internet et des supports de communication du Fil de Votre Histoire ? Aujourd’hui, je vous présente la petite fée qui les a créés de sa baguette magique de graphiste designer. Quel beau parcours que celui d’Alice, petite fille introvertie et timide, qui de sa région angevine, est partie vivre en Angleterre où elle a pu explorer ses talents de designer et les exprimer pleinement.
Les racines de son monde imaginaire plongent dans son enfance. Elle se souvient de sa joie d’enfant quand à l’heure du coucher, ses parents lui racontaient des contes de fées dont les univers magiques ont fécondé son imagination débordante. Alice, petite-fille rêveuse, toujours dans la lune s’exprimait beaucoup par le dessin même sur les carreaux de la maison ! Les mots et les paroles l’impressionnaient et lui échappaient. Ils lui semblaient étranges comme le monde des adultes qu’elle essayait de comprendre, en écoutant leur conversation avec curiosité.
Un jour, le diagnostic de dyslexie est tombé mettant des mots sur ses difficultés scolaires. Cependant, en se servant de ses capacités imaginatives, elle a su développer des techniques visuelles comme les cartes mentales pour apprendre, aidée par son orthophoniste et transformer une difficulté en levier pour avancer. Elle gardera toute sa vie, un goût pour le défi que représente chaque difficulté, qu’elle perçoit comme une stimulation pour inventer une solution créative.
Elle puise aussi, ses ressources dans son entourage familial essentiel pour elle. Des parents dont elle a reçu des bases solides enracinées dans deux cultures très différentes, le monde de la terre et le monde des lettres. Avec leur soutien indéfectible et leur confiance, elle a pu suivre sa voie très jeune. Dans sa proximité, évoluaient des personnes qui avaient choisi l’indépendance et qui l’ont beaucoup inspirée : un oncle photographe, une arrière-grand-mère couturière, des grands-parents maternels agriculteurs, un père ébéniste et devenu professeur de lettres, un sculpteur et un grand-père paternel dessinateur industriel. Elle le voit encore crayonnant, sur sa grande table à dessin, cigarette à la bouche, un avion de chasse sorti tout droit de son imagination. Elle est fascinée de le voir créer quelque chose de nouveau de ses mains. Déjà, elle se sent attirée par l’indépendance et inconsciemment, elle sait que ce sera son chemin.
Le cadre scolaire n’étant pas adapté aux enfants dont le cerveau droit, associé à l’intuition et les émotions, est dominant. Elle se sent comme le « vilain petit canard », différente, sans soutien, elle s’ennuie. Tout ce qu’elle veut, c’est dessiner ! Les cours de dessin du mercredi soir ne lui suffisent plus. En classe de seconde, ça en est trop, elle ne peut plus continuer sur la voie classique. Elle décide à 17 ans, de quitter le lycée avec le soutien de ses parents pour entrer dans une école privée de dessin. Elle constitue son portfolio pour passer des concours et sera reçue à l’école Pivaut de Nantes. Elle y reste deux ans, mais le niveau est trop intense et elle se sent en décalage avec les autres étudiants qui ont plutôt 22 ans. Sans se décourager, elle poursuit à l’Ecole Supérieure d’Arts Appliqués et de Design à Angers, où elle obtient un BTS graphique et design en 2003. La particularité de ce parcours, c’est un double cursus lui permettant d’obtenir en même temps, un diplôme anglais (HND). Sans réseau dans le milieu culturel, elle rencontre beaucoup de difficultés pour obtenir des stages qui l’intéressent.
Alice choisit alors de partir en Angleterre poursuivre ses études pourtant son niveau d’anglais est loin d’être parfait. Les premières années sont compliquées en raison de la barrière de la langue, elle a l’impression de revenir en arrière mais encore une fois, le visuel va l’aider. Elle poursuit par une formation en graphique design et illustration à l’Université d’Oxford pendant deux ans. Les méthodes d’enseignement sont différentes et favorisent une liberté de création et le décloisonnement des filières artistiques (Mode, sérigraphie, design) qui lui conviennent très bien. C’est un vrai bouillon de cultures qui va la nourrir et participer à son épanouissement créatif. Elle ne s’arrête pas là et fait un Master Design et Multimédia à Bristol de 2006 à 2008. Ces années d’études en Angleterre lui ont donné confiance en elle et ont permis à ses talents d’exploser mais que faire, rester ou rentrer en France ? Son épanouissement et la rencontre avec son futur mari la décident à s’installer en Angleterre même si l’éloignement avec sa famille, rend ce choix difficile.
En 2007, avec cinq d’étudiants en design fraîchement diplômés et bourrés de talents, elle crée une galerie d’art et de sérigraphie à Bristol, SNAP Studio. C’est une aventure enthousiasmante et stimulante de travail collectif. Ils organisent de nombreux vernissages et des cours de sérigraphie, tout en se lançant chacun dans une activité de freelance.
Puis, la récession de 2009, la pousse à quitter Bristol et à travailler pour la firme Viacom où elle est chargée de développer des produits sous licence pour l’Europe et les Emirats arabes Unis. Alice revient à l’univers de l’enfance qui lui tient à cœur en créant des jeux et des vêtements pour enfants à travers lesquels, elle essaye de faire passer un message positif pour donner du sens à ces objets. Cette expérience formidable va lui ouvrir les portes de différentes cultures à travers le graphisme. C’est un nouveau défi pour elle, de s’approprier leur code et de trouver des solutions créatives pour répondre à la demande de chaque marché. Elle fera également de nombreux voyages professionnels qui lui permettront de comprendre les tendances du marché.
Au bout de 5 ans, elle a l’opportunité de devenir designer manageur et gère une équipe de graphistes. Elle se sent en contradiction avec ses valeurs et le stress intense la conduit au “burn out“. Les problèmes de santé lui font perdre ses forces, elle ne trouve plus d’équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Cette rupture lui fait prendre conscience de la nécessité de prendre soin d’elle, de s’accorder du temps et de vivre avec plus de légèreté. Après 7 ans dans la même entreprise, elle décide de donner sa démission et se lance comme freelance auprès de ses anciens clients : MTV, Warner Brothers, Universal Picture. Son réseau professionnel a été un atout pour se lancer en indépendante. Pourtant elle reprend un poste de salariée pendant deux ans, qui la convainc définitivement qu’elle est faite pour l’indépendance.
Elle voit arriver les changements provoqués par le développement d’internet sur son métier et se lance dans une formation de UI/UX DESIGNER pour aider des entrepreneurs à développer leur communication sur internet. C’est également l’opportunité d’adapter ses conditions de travail à sa vie personnelle en devenant « digital nomade », pour travailler de n’importe où dans le monde et ainsi pouvoir rendre visite plus facilement à sa famille en France ou à celle de son conjoint au Pérou.
Aujourd’hui, elle a de nouveaux projets, créer son agence avec d’autres designers mais aussi devenir coach auprès de créateurs ou de jeunes surtout de milieux défavorisés pour les aider à trouver leur voie et à sortir de leur condition sociale.
Dans ses choix de vie, elle a été guidée par le besoin de mieux se connaître, l’envie de collaborer avec d’autres et de trouver toujours des solutions innovantes à des problèmes réels grâce à son expertise. Profondément, Alice cherche à contribuer, par son travail, à un monde meilleur et à aider les autres à se trouver. Le vilain petit canard s’est transformé en cygne rayonnant de joie et d’humanité.
Par sa double culture française et anglaise, elle a développé son sens de la créativité allié à un esprit d’entreprise décomplexé. De son parcours, elle vous partage quelques enseignements :
- S’écouter quand on ne sent pas bien dans un poste, car les conséquences peuvent être graves pour sa santé.
- Ne pas se mettre des barrières mentales, on peut changer de vie tout en continuant à exercer dans le domaine qui nous plaît.
- Faire un travail d’étude de son marché pour vérifier que l’activité est viable économiquement.
- Demander de l’aide, par exemple auprès d’un coach de carrière si on manque de confiance en soi et pour atteindre ses objectifs.
- Se trouver un mentor (ou parrain) dans la même activité qui pourra vous rassurer car il connaît le secteur et pourra vous donner des conseils. Il y a plus d’entraide qu’on ne le pense chez les entrepreneurs.
- Se prendre au sérieux, affirmez-vous dans votre nouveau métier par les mots : « Vous êtes votre business ». Ne soyez pas timide, ça vous donnera des ailes ! Si vous vous prenez au sérieux, les autres vous prendront au sérieux aussi.
Contact : alicecoutin@gmail.com
De l’ombre à la lumière (11/04/2021)
De notre première rencontre il y a 16 ans dans les bureaux de la Caisse de retraite où nous travaillions, je garde l’image d’une jeune fille sage aux deux nattes couleur de jais, yeux bruns, le sourire au bord des lèvres et lunettes rondes à la John Lennon. Sous ses dehors timides, j’apprendrais plus tard qu’un volcan bouillonnait en elle, lui donnant de l’énergie et la force pour faire avancer les projets. Déjà, elle me parlait de ses rêves d’indépendance et de liberté…
Mais commençons par le début de l’histoire d’Emmeline, fille d’un chef de cuisine renommé, elle a grandi au milieu des casseroles et en a gardé un sacré tour de main pour réaliser avec précision tout type de plat à la perfection (je sais de quoi je parle !) et s’organiser rigoureusement pour finir dans les temps. Tiens, tiens ! Elle grandit dans le Nord empreint de la culture ouvrière. Son grand-père maternel, chez qui elle passe du temps, est contre-maître en usine. Elle le revoit ce « Papy la débrouille » comme on le surnommait, coudre avec joie sur sa belle machine à coudre dont la pédale était cachée dans un meuble avec une grande roue qu’elle s’amusait à actionner. Il est à ses côtés aussi pour l’aider à se servir d’un métier à tisser qu’elle a reçu en cadeau. Elle est fière de lui confectionner un coussin avec des petits carrés de laine qu’il gardera dans son fauteuil jusqu’à sa fin.
Il n’avait pas peur d’essayer, de tester et de bidouiller pour récupérer et rien perdre comme il avait appris dans sa famille. C’est qu’il en avait des idées pour tout, le bricolage, la couture… Il faisait preuve d’une créativité sans limite. Emmeline se souvient qu’il ramenait toute sorte de choses des usines dont du tissu. Un jour, il avait même ramené des bas en laine de toutes les couleurs qui ont fait la joie d’Emmeline et de ses cousines, souvenir d’éclats de rire.
Cette machine à coudre du grand-père, elle aurait bien aimé l’avoir à son décès mais malheureusement elle est partie ailleurs. Cela ne l’a pas empêchée de continuer sur cette voie, puisqu’elle récupère bien plus tard, la machine à coudre à pédale de la grand-mère d’une amie.
Bonne élève et sérieuse, amoureuse des langues vivantes, elle s’embarque dans des études de droit un peu au hasard des rencontres. Au départ motivée par le droit international, elle se spécialise dans le droit de la famille par intérêt pour les personnes, en faisant un DEA (Diplôme d’Etude Approfondie) puis un DESS (Diplôme d’Etude Supérieur Spécialisée) de gestion des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Ce parcours de juriste la conduit à travailler dans le domaine de la santé. Après un court passage par une Caisse de retraite, elle comprend qu’elle a besoin d’autonomie et que le fonctionnement institutionnel n’est pas pour elle.
Mais déjà à l’époque, elle recherche plus de concret dans son travail qu’elle va trouver en devenant chargée qualité et de projets médicaux dans un groupe de cliniques et par la suite au CHRU de Lille en neurochirurgie. Là, elle se sent comme un poisson dans l’eau, son rôle d’interface entre les différents services et les professionnels lui convient très bien. Bien qu’administrative, elle saura rapidement se faire accepter par l’équipe dont elle devient un membre à part entière. Ses collègues vont même l’initier au tricot durant sa première grossesse pendant la pause du midi, elles se mettaient à tricoter ensemble. Une autre collègue devenue une amie proche va lui prêter sa machine et lui montrer les points de base en couture.
L’arrivée de son premier fils, Gauthier, va la motiver à coudre. Elle réalise son premier tour-de-lit pour son petit. Les bons retours qu’elle reçoit l’encourage à poursuivre par des parures et des couvertures.
Souvenir aussi de sa belle-mère qui cousait beaucoup et lui avait confectionnée une jupe. A cette occasion, elle lui avait montré comment prendre les mesures. A son décès, elle a reçu du matériel de couture comme la surjeteuse, des bobines de fils, une règle dont elle se sert toujours aujourd’hui et lui font penser à elle.
Le déménagement du jeune ménage à Reims, pour les besoins professionnels de son mari, lui offre une période de disponibilité qu’elle va mettre à profit en expérimentant de plus en plus de créations avec une amie. Un projet mûrit autour de la valorisation des métiers d’art ou d’un restaurant. A cette époque, elle ne se sent pas encore artisane. Comme dans son ancien métier, elle cherche à mettre les projets des autres en avant et reste dans l’ombre. Elle ne trouvera pas les ressources locales pour se lancer et se résigne à rechercher un poste de salariée dans son domaine antérieur. Elle atterrit comme contrôleuse de gestion dans une université. Elle éprouve un certain découragement devant la difficulté à sortir de sa voie pour faire autre chose. Cette expérience bien que difficile, va l’aider à franchir le cap en allant jusqu’au bout d’un processus qui lui a fait prendre conscience que ce type de travail administratif n’a plus de sens pour elle et qu’elle a besoin de voir le résultat de son travail.
Cependant, comme toute expérience pouvant être bonne à quelque chose, ce sera l’occasion aussi de rencontrer une amie avec qui elle fait de la couture et découvre le crochet. L’idée d’un projet conjoint autour de la couture commence à germer dans leur tête. Et si on se lançait à deux ? C’est plus rassurant pour Emmeline qui se sent traversée par les doutes.
Puis une deuxième grossesse passe par là avec des complications qui lui font prendre conscience de l’importance de prendre soin de soi. C’est le retour aussi dans la région d’origine et l’achat d’une maison offrant un bel espace de travail. Le projet en duo tombe à l’eau, l’une est prête mais l’autre pas encore. A ce moment-là, se pose la question cruciale pour Emmeline, j’y vais toute seule ? ou je laisse tomber ? Encouragée et soutenue par son mari et ses proches, elle décide de se lancer en mars 2020 durant le 1ier confinement, période peu propice pourtant au démarrage d’une entreprise. Mais c’était le moment dans sa tête, elle avait franchi des étapes : une formation d’entrepreneur, un bilan de compétence et un accompagnement par un conseiller d’entreprise, lui ont donné confiance en ses capacités à entreprendre.
C’est décidé ! Elle y va ! Fititedi est né le 11 mai 2020. Emmeline sort de l’ombre des autres pour accepter de se mettre sous la lumière… ! Elle met désormais son goût pour les beaux tissus de qualité et le travail bien fait au service des autres. De fil en aiguille sa petite entreprise de confection a presque un an et elle apprend petit à petit à se faire confiance même si le doute n’est jamais loin. Ce n’est pas simple tous les jours, mais elle n’a aucun regret aujourd’hui.
Devenir maman de deux enfants a joué un rôle essentiel dans son choix. Elle ressentait le besoin d’organiser son travail autour d’eux pour les voir grandir et concilier vie familiale et vie professionnelle. L’indépendance le permettait même si cela demande aussi beaucoup d’organisation. Les changements de région et les maternités ont favorisé des périodes de réflexion et de prise de recul permettant à son projet de se construire petit à petit.
De ce parcours de vie qui l’a conduit à créer son entreprise, elle tire quelques enseignements qu’elle vous propose pour vous aider peut-être à sauter le pas :
- Tout d’abord se donner du temps, même si notre situation est inconfortable, pour laisser maturer le projet.
- Se rendre compte de ce qui nous convient ou pas,
- Apprécier ses soutiens de l’ombre, discrets mais importants,
- Croire en ses idées,
- Apprendre à suivre ses intuitions et à affirmer ses choix,
- Ne pas hésiter à moduler les contours du projet pour arriver à démarrer, au lieu de vouloir tout faire d’un coup,
- Profiter des changements de vie comme les déménagements pour se questionner sur ses projets.
Maintenant si vous voulez découvrir ses créations, allez visiter le site d’Emmeline ! cliquez ici : http://www.fititedi.fr